Chiffre cherche contexte : (seulement) 5 % de rotation sur le marché du travail belge

Alors que les États-Unis voient se multiplier les départs volontaires dans le cadre de ce que l'on appelle « the Great Resignation » (la grande démission), les chiffres de Securex montrent que les travailleurs belges restent fidèles à leur employeur. On note même qu’en 2020, la première année de la pandémie, le nombre de départs volontaires a été historiquement bas avec seulement 5 %. Frank Vander Sijpe, expert du marché du travail chez Securex, explique le contexte de ce chiffre.

La rubrique « Chiffre cherche contexte » explique dans son contexte un chiffre marquant du marché du travail ou le résultat d’une étude.

 

Première baisse depuis 2015

« Ces 5,05 % représentent la rotation volontaire en 2020 », explique Frank Vander Sijpe. « Ce chiffre correspond à des travailleurs belges qui ont un contrat de travail à durée indéterminée (environ 90 % de tous les travailleurs dans notre pays). 5 % de personnes qui ont changé d'employeur en 2020, c’est exceptionnellement peu. Ce chiffre représente même une baisse, la première depuis 2015. »

Bonne nouvelle pour les employeurs ?

« Donc, pour l'instant, il n'y a pas de signe de "grande démission" comme aux États-Unis, où les travailleurs démissionnent en masse. De plus, au cours du premier semestre 2021, la rotation volontaire a encore diminué en Belgique pour atteindre une moyenne de 3,3 %.

Notre système d'indexation automatique des salaires, entre autres, y est pour quelque chose. Aux États-Unis, de nombreuses personnes ne parviennent plus à joindre les deux bouts avec leur emploi. Elles sont donc obligées de chercher un nouveau poste avec un salaire plus élevé. Comme nos salaires augmentent avec l'inflation, les Belges perdent moins de pouvoir d'achat et sont moins susceptibles de devoir changer d'emploi.

Une autre explication est que ce n'est pas dans notre nature de changer continuellement d’emploi. Les Belges ne sont pas des nomades. En période de pénurie de main-d'œuvre, cela semble à première vue être une bonne nouvelle, surtout pour les employeurs. »

 


Les Messis du marché du travail

« Ce faible taux de rotation contraste fortement avec le nombre record de postes vacants en 2021. La pénurie sur le marché du travail se poursuivra au moins jusqu'en 2030. Il s'agit d'un problème purement démographique : la génération du baby-boom prend sa retraite et il n'y a tout simplement pas assez de personnes pour occuper ces emplois.

Un faible taux de rotation n'est donc pas idéal d'un point de vue économique. Le marché du travail a besoin de mobilité professionnelle, avec des personnes qui se recyclent, se réorientent ou cherchent de nouveaux défis. De nombreux secteurs évoluent rapidement de sorte qu’il devient en permanence nécessaire pour les travailleurs d’acquérir de nouvelles compétences et de se spécialiser. Grâce aux carrières flexibles, les personnes qui occupent le même emploi depuis des années peuvent contribuer à répondre aux besoins du marché du travail. »

« Il existe bel et bien une rotation principalement observée chez les jeunes. Certains profils parmi eux sont du "gros gibier" sur le marché du travail – les profils pour les métiers en pénurie, le secteur informatique et le secteur logistique par exemple. Je les appelle les Messis du marché du travail : des joueurs de haut niveau qui ont le choix entre plusieurs équipes. »

« Ce sont précisément ces Messis qui, à notre époque, accordent moins de valeur à un contrat permanent. Les profils IT hautement qualifiés par exemple préfèrent travailler sous statut indépendant pour diverses organisations. Mais dans l'ensemble, ce groupe reste assez limité. Pourtant, les entreprises puisent aussi de plus en plus dans ce vivier : elles cherchent des solutions telles que le personnel intérimaire, les contrats temporaires ou les indépendants. »


« Un faible taux de rotation n'est pas idéal. Le marché du travail a besoin de mobilité professionnelle, avec des personnes qui se recyclent, se réorientent ou cherchent de nouveaux défis. »

Frank Vander Sijpe
Expert du marché du travail chez Securex

Contrats de travail individuels

« Un faible taux de rotation ne signifie bien entendu pas que les employeurs doivent se reposer sur leurs lauriers. Dans la course aux talents, il est particulièrement important pour les entreprises de garder les talents existants à bord et de les fidéliser. En tant que spécialiste des RH, je recommande toujours de se concentrer sur trois domaines : la santé, les compétences et l'engagement. Un collaborateur qui a des problèmes sur l'un de ces trois plans perd immédiatement de la valeur aux yeux de l'organisation.

Un certain nombre d'organisations ont tendance à miser sur ce que j'appelle des « contrats de travail individuels » pour répondre aux besoins de leurs talents. Ces entreprises sont flexibles en ce qui concerne le lieu et le moment où le travail est effectué, la composition de l’enveloppe salariale, le contenu de la fonction ou même le statut professionnel. Des recherches récentes menées par Frederik Anseel montrent que cela fonctionne, à condition qu'il existe au sein de l’organisation un certain nombre de « pratiques RH performantes », telles que le feedback, la reconnaissance, les possibilités de développement et la participation.

Les collaborateurs deviennent donc plus indépendants et, dans certains cas, leur relation avec l'employeur change. Les employeurs ont tout intérêt à tenir compte de cette nouvelle réalité sur le marché du travail d'aujourd'hui. Réfléchissez aux profils de base que vous souhaitez occuper de manière permanente et optez pour des travailleurs flexibles.

Enfin, veillez à ce que vos collaborateurs puissent se réorienter et suivre des formations. Cela profitera non seulement à vos travailleurs et à votre entreprise à court et/ou à moyen terme, mais aussi à l'ensemble de l'économie à plus long terme. »


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