« 100 % des métiers vont changer » : quelle place pour la formation dans le marché de l’emploi d’après Covid-19 ?

La crise du Covid-19 change la donne sur le marché du travail, avec un nombre croissant de chercheurs d’emploi, et 100 % des métiers à réinventer au moins en partie. La formation pourra aider employeurs et employés à trouver leur chemin dans le nouveau monde du mètre cinquante. Mais pourra-t-elle réellement aider ceux qui ont perdu leur emploi ?

Entre fin avril et début mai, Cefora a sondé les différents publics qui constituent son écosystème – chefs d’entreprise, responsables RH, participants aux formations, formateurs, partenaires sociaux – sur l’impact de la crise du Covid-19.

« Au plus fort de la crise, 30 % des 54 000 entreprises et des 400 000 employés qui relèvent de la Commission Paritaire 200 ont été touchés par le chômage économique. C’est énorme, mais ce n’est pas encore autant que dans l’horeca, la culture ou le tourisme, ou tous les autres secteurs qui sont dans l’impossibilité de poursuivre une activité même à distance. »

Des publics fragilisés

« D’après Federgon, la fédération des opérateurs privés du marché du travail et des prestataires de services RH, l’activité d’outplacement devrait doubler dans les mois qui viennent. »

« Les chercheurs d’emploi vont arriver en masse sur un marché du travail amaigri, avec moins d’emplois disponibles. Il faudra probablement 2 à 4 ans avant de retrouver le niveau d’activité d’avant crise. Toutes les personnes qui ont perdu ou vont perdre leur emploi dans les mois qui viennent risquent d’être fragilisées d’une manière ou d’une autre, mais certaines le seront davantage. »

 

olivier lambart

« On a déjà pu l’observer après la crise financière de 2008, les primo-arrivants sur le marché de l’emploi – les jeunes fraîchement diplômés – sont impactés à long terme. La crise d’aujourd’hui va peser sur leur début de carrière, leur salaire, mais aussi leur évolution future. On peut presque parler d’une génération sacrifiée. »

« Même chose pour les travailleurs plus âgés : quand vous perdez votre emploi à plus de 55 ans, il ne suffit pas d’une formation pour vous rouvrir la porte d’une entreprise. »

Le ralentissement du confinement n’a pas été propice à la formation

La période de ralentissement du confinement, d’ailleurs, n’a pas été aussi propice à la formation qu’on aurait pu le croire. « Nous l’avons constaté dans les chiffres d’utilisation de nos services digitaux. »

« Les personnes en télétravail n’ont pas eu le temps de se former, et les personnes en chômage économique ne l’ont pas fait non plus. Nous n’avons pas constaté d’évolution dans les demandes pour développer de nouvelles compétences, apprendre de nouveaux métiers… ce qui est normal puisqu’il n’y a pas encore d’opportunités de valoriser ces nouveaux atouts. »

Les priorités post-confinement

Les entreprises consultées par Cefora voici quelques semaines ont mis en avant trois priorités : redémarrer leur activité, s’adapter au monde redessiné par le coronavirus, et gérer l’impact financier de la baisse d’activité.

« On est entré dans le monde du mètre cinquante. Tant qu’il n’y aura pas de vaccin, toutes les activités de l’entreprise, toute son organisation interne, sa production, ses services, devront tenir compte de cette nouvelle distance sociale à garantir. »

 

motivation

A ces défis, la formation offre une partie de la solution. « Les vendeurs devront apprendre à vendre à 1,50 m. Les responsables d’équipe à accompagner à distance leurs collaborateurs en télétravail. Les employés à tirer le meilleur parti des outils digitaux. A gérer l’absence de contact avec les collègues et le travail à domicile… »

« 100 % des métiers vont changer, et les formations contribueront à s’y adapter, à gagner en efficacité personnelle et professionnelle. »

La course aux talents n’est pas finie

La formation peut-elle offrir des perspectives aux nouveaux chercheurs d’emploi ? La réponse n’est pas aussi catégorique qu’on aurait pu s’y attendre, notamment après les appels du Voka à investir dans la formation : « Les pertes d’emploi vont se concentrer dans des secteurs comme la culture, l’horeca, le tourisme, donc dans des populations qui n’ont pas les prérequis pour les emplois qui sont vacants aujourd’hui, ou les formations qui y mènent. La formation ne transformera pas tous les comédiens en data scientists ou les secrétaires en infirmières. » « Pour la même raison, je suis convaincu que la course aux talents n’est pas finie, même si les chercheurs d’emploi sont plus nombreux et les postes plus rares qu’avant la crise. Cette tension-là sera seulement passée au second plan, le temps de la lutte contre le Covid-19. »

La compétence la plus importante aujourd’hui, c’est la capacité d’adaptation

S’il y a une chose que la crise actuelle souligne, c’est que la compétence la plus importante aujourd’hui, c’est la capacité d’adaptation : « On le dit depuis longtemps, la moitié des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore. Par conséquent, on ne peut pas s’y former. Cela n’a pas de sens aujourd’hui de parler des hard skills pour des métiers dont on ignore tout. »

« En revanche, on sait qu’on peut développer la capacité de s’adapter, en développant une culture d’apprentissage. Comment ? En donnant accès à une possibilité de formation permanente. En favorisant le travail en coopération, car on apprend des autres. En favorisant le partage d’information. »

 

motivat

« C’est le rôle des départements RH et des équipes de formation de multiplier ainsi les sources de formation. Mais si c’est une responsabilité collective – de l’entreprise – c’est aussi une responsabilité individuelle. Il revient à chacun de saisir ces occasions, de développer sa capacité à s’adapter en permanence, en se formant en permanence. Se former, c’est s’adapter. »

Et l’adaptation ne se limite pas aux hard skills. La récente consultation effectuée par Cefora montre un réel besoin de formations en lien avec le bien-être. « On parle beaucoup aujourd’hui d’une deuxième vague de Covid-19 ; je crains surtout une vague de burn-out. »

« On peut s’attendre à voir apparaître des troubles psycho-sociaux chez les personnes qui ont brutalement perdu leur emploi, mais aussi chez celles qui ont continué à travailler chez elles avec leurs enfants sur les genoux. Leur épuisement aura aussi un impact sur l’organisation du travail et les entreprises. »

Le défi des acteurs de la formation

Les organismes de promotion de la formation et de l’emploi comme Cefora ont donc clairement un rôle à jouer, en lien avec les autres acteurs du monde du travail et de l’éducation. Olivier Lambert : « Nous avons commencé à repenser notre activité, en matière de formation des employés, des chercheurs d’emploi et d’outplacement, pour les adapter à la nouvelle réalité de l’après-pandémie. »

Cefora travaille notamment à une réforme de son catalogue, pour proposer dès septembre des formations adaptées, tant sur le plan des thématiques que de la forme : « L’ADN de Cefora, ce sont les formations collaboratives. Si nous voulons limiter le présentiel, il faudra faire mieux qu’une formation en vidéo. »

Olivier a conscience du défi délicat qui l’attend. « Nous devons gérer deux temporalités différentes. D’un côté, cette réflexion demande du temps, de la concertation avec les autres acteurs du secteur. De l’autre, nous sommes conscients de l’urgence de répondre aux besoins en formation, pour aider les entreprises, les travailleurs et les chercheurs d’emploi à s’adapter… »

 

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